
Chaque nouvelle année apporte son lot de nouveautés fiscales. Le millésime 2018 ne fait pas exception à la règle puisque le droit fiscal connaît une réforme majeure de l’impôt des sociétés et un lot de nombreuses autres nouveautés. Nous avons sélectionné quelques mesures phare qui sont susceptibles de vous affecter dès cette année et vous les décrivons dans les lignes qui suivent.
Impôt des sociétés : l’accord intervenu l’été dernier a finalement été transposé dans une loi ce 25 décembre dernier pour réformer l’impôt des sociétés. Cette réforme tend à rendre la Belgique plus compétitive sur le marché international du shopping fiscal où le taux facial de l’impôt applicable aux sociétés était l’un des plus élevés d’Europe (même si de nombreuses exceptions permettaient de réduire considérablement ce taux).
Cette réforme vise aussi à réduire la charge d’impôt applicable aux PME qui ne bénéficiaient souvent pas des avantages significatifs qu’apportaient les intérêts notionnels ou la déduction liée à l’exploitation des brevets. Cette réforme a également pour objectif de réduire l’intérêt de « passer en société ».
Concrètement, le taux de l’impôt des sociétés passera progressivement de 33% en 2017 à 25% en 2020 (29% dès 2018). En outre, la commission complémentaire de crise qui était fixée à 3% et qui portait l’impôt des sociétés à 33,99% est elle aussi progressivement réduite pour disparaître définitivement en 2020. Pour les PME, le taux de l’impôt des sociétés est réduit à 20% dès 2018 pour la première tranche de 100.000 EUR.
Le législateur met également en place plusieurs freins destinés à dissuader les personnes d’exploiter leur activité via une société. Il prévoit ainsi que le dirigeant doit être de 45.000 EUR par an minimum (contre 36.000 EUR auparavant) pour pouvoir bénéficier de la réduction de l‘impôt des sociétés à 20%.
Il existait déjà jadis un impôt réduit des sociétés pour les petites entreprises moyennant une distribution annuelle de dividendes limitée 13% du capital libéré. La suppression, bienvenue, de cette condition rend le nouveau régime applicable de manière plus large.
Les sociétés qui ne versent pas ce revenu annuel minimum à leurs dirigeants seront sanctionnées par une cotisation spéciale de 5% sur la différence entre le montant versé et le seuil de 45.000 EUR. Ce seuil passera à 10% dès 2020. Cette cotisation sera intégralement déductible à l’impôt des sociétés.
Le gouvernement entend également élargir la déduction pour investissement qui est portée à 20% pour les années 2018 et 2019. Cette mesure vise à favoriser l’investissement pendant les 2 prochaines années et devrait profiter à celles et ceux qui désirent concrétiser des projets prochainement.
La réforme touche également la taxation des réductions de capital. Jusqu’à présent, les réductions de capital étaient exonérées d’impôt pour les actionnaires personnes physiques de sociétés. A partir de 2018, les réductions de capital seront partiellement taxées si le capital de la société est constitué de réserves. La réduction de capital sera taxée en proportion de l’importance des réserves dans le capital.
L’impôt des sociétés est également réformé sur de nombreux autres volets qui touchent davantage les grandes sociétés et intéresse les spécialistes de la matière. Nous ne les aborderons toutefois pas dans ces lignes.
Impôt des personnes physiques : Le législateur réduit encore le bénéfice des véhicules professionnels puisqu’il calque la déduction des frais de voiture pour les personnes physiques sur celle du régime applicable aux sociétés. Désormais c’est le taux d’émission de CO2 qui déterminera le pourcentage de déduction des véhicules pour les sociétés ainsi que pour les personnes physiques.
Parallèlement à ces réformes, le gouvernement entend réduire le taux de la plus-value sur cessation d’activité à l’impôt des personnes physiques à 10% lorsque celle-ci intervient après l’âge de 60 ans. Le gouvernement doit également mettre en place pour les personnes physiques, un produit de pension complémentaire similaire à l’engagement individuel de pension que connaissent les dirigeants d’entreprises.
Le législateur a également mis en place plusieurs mesures de procédure pour assurer la perception de l’impôt et pour renforcer les sanctions applicables à celles et ceux qui ne respectent pas scrupuleusement leurs obligations fiscales.
Les sanctions en cas de non dépôt de la déclaration fiscale sont alourdies et le régime des intérêts de retard et moratoires est également réformé et le délai d’imposition peut être étendu à 5 années lorsque des infractions sont constatées en matière de précompte professionnel ou de précompte mobilier.
Fiscalité de l’épargne : la fiscalité de l’épargne connaît quelques changements qui ont fait beaucoup de bruit au cours de ces derniers mois. Ces modifications procèdent de la réforme de la taxe sur l’épargne, de l’activation de l’épargne et de la taxe sur les comptes-titres.
Taxe sur l’épargne : la composante « intérêts » de la plus-value réalisée lors de la vente (ou du rachat) de parts de fonds qui investissent au moins 10% de leurs actifs dans des titres de créances sera désormais soumise au précompte mobilier, au taux de 30% alors que ce seuil était fixé jusqu’à présent à 25%. Cette réforme est entrée en vigueur le 29 décembre 2017.
Activation de l’épargne : le législateur essaie désespérément de changer les habitudes des Belges en matière d’investissement en réduisant l’exonération sur la première tranche des intérêts versés sur les comptes d’épargne à 625 EUR (940 EUR indexés en 2018) et en instaurant une nouvelle exonération pour la première tranche de 420 euros (627 euros indexés en 2018) des dividendes versés annuellement. Cette réforme s’applique aux revenus payés à partir du premier janvier 2018.
Notez que l’exonération d’impôt pour cette première tranche de dividendes ne sera pas automatiquement appliquée par votre banque, mais qu’elle devra être réclamée par le biais de votre déclaration fiscale annuelle.
Taxe sur les comptes-titres : le gouvernement fédéral a décidé de prélever une taxe de 0,15% sur les comptes-titres dont la valeur des actifs atteint au moins 500.000 euros. Cet impôt sera applicable par contribuable, ce qui implique qu’un couple titulaire d’un compte-titres ne sera taxé qu’à partir d’un million d’euros d’actifs.
Cette taxe vient frapper la valeur intégrale du compte-titres dès le dépassement du seuil. Elle s’élève à 750 EUR par tranche de 500.000 EUR et sera automatiquement prélevée par les banques qui devront calculer à la fin de chaque trimestre si le seuil est dépassé.
Cette réforme devrait être applicable dès la fin de l’année 2018, mais n’a pas encore été votée.
Taxe boursière : le législateur a légèrement relevé le taux des opérations boursières sans autre motif que des considérations budgétaires.
Epargne-pension : le législateur a modifié l’avantage fiscal applicable à l’épargne pension et permet désormais d’épargner davantage pour sa pension chaque année, mais selon un régime moins avantageux qu’auparavant. Nous renvoyons à l’article précédemment publié dans ces lignes pour en connaître toutes les modalités et éviter les pièges.
Echange automatique d’informations bancaires : depuis plusieurs années, l’échange automatique d’information entre les administrations fiscales est une réalité en Europe. Cet accord a été étendu à 42 pays en 2017 et sera étendu à 52 pays à partir de 2018.
Concrètement, les banques étrangères de 93 pays dans le monde sont désormais obligées de communiquer l’identité des titulaires des comptes des non-résidents à l’administration fiscale belge chaque année.
Il n’est donc plus possible d’ouvrir un compte dans l’un de ces pays sans que l’administration fiscale belge n’en soit automatiquement avertie. Celles et ceux qui ont déjà un compte ouvert à l’étranger verront ces comptes dénoncés à l’administration fiscale belge.
L’échange automatique d’informations concerne de nombreux pays dont certains sont bien connus pour leur discrétion bancaire (Liechtenstein, Liban, Israël, Malte Jersey, etc.). L’administration fiscale belge devrait être informée des comptes ouverts par des résidents belges dans ces pays dès cet été.
Régularisation fiscale : le taux applicable à la régularisation fiscale augmente en 2018. Le taux de l’amende appliquée sur la partie « revenus » des fonds régularisés passe de 22% à 23% et le taux applicable à la régularisation du capital passe de 37 à 38%.
Conclusion : la fiscalité a connu deux grandes réformes qui sont, d’une part, celle de l’impôt des sociétés, et d’autre part, celle de la fiscalité des revenus mobiliers. La réforme de l’impôt des sociétés ouvre, même si elle n’est pas véritablement révolutionnaire, quelques belles perspectives, surtout pour les PME qui ne pouvaient souvent pas bénéficier des grandes niches fiscales qui étaient autrefois réservées aux grandes sociétés.
La fiscalité mobilière répond certainement davantage à des considérations budgétaires et ne devrait pas faire très plaisir à celles et ceux qui disposent d’importantes liquidités. Sachez toutefois que ces taxes ne sont pas inévitables et que des solutions existent.
Les réformes du millésime 2018 sont encore nombreuses et touchent tous les volets de notre fiscalité, mais nous préférons vous les distiller avec parcimonie afin d’éviter une nouvelle indigestion après cette abondante et riche période de fêtes.
Jérôme HAVET, avocat spécialiste en droit fiscal
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