Le gouvernement qui a décidé de s’attaquer aux revenus découlant de l’économie collaborative, a pour ce faire, fait adopter, par la Chambre une loi-programme qui a été votée le premier juillet et publiée au Moniteur belge dans la foulée.
Ces revenus produits pour l’essentiels par des particuliers se situaient dans une zone grise, puisqu’il était difficile de déterminer s’ils relevaient de la catégorie des revenus divers, professionnels, mobiliers ou immobiliers.
Face à ces incertitudes et conscient que l’essentiel de ces revenus échappait purement et simplement à l’emprise de l’impôt, le gouvernement a voulu simplifier les choses et soumettre ces revenus à l’impôt.
Si l’objectif budgétaire est facilement atteint puisque ce sont les plateformes de l’économie collaborative qui se chargeront elles-mêmes de prélever l’impôt à la source, l’objectif de simplification fiscale appelle une réponse plus nuancée.
1. L’impôt sur les revenus
Le régime prévoit l’instauration d’une nouvelle forme de revenus divers liée à l’économie collaborative. Concrètement, les revenus qui seront produits par un particulier qui rend des services à un autre particulier par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne agréée ou mise en place par l’autorité publique elle-même, seront taxés à 20% après déduction d’un forfait de frais de 50%, pour arriver à une taxation nette de 10%.
Pour bénéficier de ce régime, plusieurs conditions doivent être remplies. Il faut que ces services soient rendus par des particuliers, en dehors de leur activité professionnelle, à des personnes physiques qui n’agissent pas dans le cadre de leur activité professionnelle, que les revenus découlent d’une convention conclue par l’intermédiaire d’une plateforme électronique de l’économie du partage et, enfin, que les revenus générés ne dépassent pas 5.000 EUR bruts par an, sans quoi les revenus sont présumés découler de l’exercice d’une activité professionnelle.
Prestations de services: Le régime ne s’applique qu’aux prestations de services. Les livraisons de biens en sont exclues. Cette distinction est intimement liée à la TVA, mais le législateur la transpose à la matière de l’impôt sur les revenus. Cette application n’est pas sans conséquences puisque certains ” services ” rendus dans leur acceptation courante sont en réalité des ” livraisons de biens ” pour l’application de la TVA.
Par exemple, les cuisiniers amateurs qui vendent leurs services via internet ne réalisent pas une prestation de services, mais livrent des biens au sens du Code de la TVA. Le législateur répond à cette difficulté très simplement. L’exposé des motifs de la loi prévoit que ces personnes seront assimilées à des prestataires de services pour l’application de ce nouveau régime, pratique, simple et efficace.
Cette pirouette est cependant audacieuse, voire discriminatoire à l’égard des autres personnes qui effectuent des livraisons de biens au sens du Code de la TVA, mais ne pourront pas se prévaloir du régime puisque le législateur les a oublié.
Limites: Le régime prévoit une limite de 5.000 EUR bruts par an, pour l’année 2016, ce montant est réduit à 2.500 EUR. Le régime disparaît totalement si le montant est dépassé. Ce régime prévoit également une exclusion automatique pour l’année suivante, lorsque le seuil de 5.000 EUR est dépassé au cours d’une année. La loi prévoit que si un contribuable dépasse la limite fixée à 5.000 EUR au cours d’une année, il ne pourra pas se prévaloir du régime au cours de l’année suivante. En effet, la loi présume que les revenus générés au cours de ces deux années sont des revenus professionnels, sauf preuve du contraire.
Impôts : L’impôt est fixé à 20% du montant brut, c’est-à-dire du montant versé par la plateforme au prestataire du service. Ce montant fait l’objet d’un forfait de charge de 50%, ce qui entraîne une taxation nette de 10% au final. L’exposé des motifs précise que les charges réelles ne peuvent être appliqués dans le cadre de ce régime et quiconque voudrait s’en prévaloir devra donc opter pour un autre régime.
Autres revenus : Ce régime prend sa place dans la matière des revenus divers, ce qui le rend inapplicable à certains revenus qui font l’objet d’une qualification particulière dans le Code des impôts sur le revenu. Il s’agit par exemple des revenus mobiliers ou immobiliers que génèrent de nombreux concepts liés à l’économie du partage.
Ces derniers bénéficient en effet d’un régime propre organisé par le Code, les revenus mobiliers sont pour l’essentiel taxés à 27%. Les revenus immobiliers sont quant à eux taxés différemment lorsqu’ils proviennent d’un bien qui est donné en location à un particulier ou à un professionnel.
Cette première distinction ne s’arrête pas là, les revenus dont on pourrait croire a priori qu’ils sont uniquement immobiliers peuvent parfois justifier l’application de plusieurs régimes fiscaux, immobilier, mobilier, divers ou une combinaison de ceux-ci.
Par exemple, la location d’une chambre meublée génère un revenu mobilier à concurrence de 40% et un revenu immobilier pour les 60% restants. La situation se complique si des services annexes sont offerts et doivent être considérés comme des revenus divers tombant sous l’application de ce nouveau régime fiscal.
C’est le cas par exemple de la location d’une chambre meublée dont le propriétaire offre un petit déjeuner le matin à ses locataires, leur fournit des draps propres, fait le ménage, etc. Dans cette hypothèse, le régime fiscal de l’économie collaborative doit être appliqué. En effet, le nouveau régime pose en principe que 20% des revenus doivent tomber sous l’application de cette nouvelle taxe.
Concrètement, la location d’une chambre meublée avec petit déjeuner pour un prix de 150 EUR par exemple, doit faire l’objet d’une première répartition entre revenus de l’économie collaborative (qui représentent 20%, soit 30 EUR, taxés à 10%) et revenus locatifs (80%, soit 120 EUR). Ensuite, le revenu locatif doit être divisé entre une partie immobilière (60%) et une partie mobilière (40%) puisque la chambre est meublée. La somme globale de 150 EUR est de cette manière ventilée en 3 masses, la première de 30 EUR qui sera taxée comme un revenu lié à l’économie collaborative, la deuxième de 72 EUR sera taxée comme un revenu immobilier et la troisième de 48 EUR sera placée dans la rubrique des revenu mobiliers et taxée comme tel.
Ce régime qui doit à l’origine simplifier les choses, les complique considérablement dans son application concrète ce qui soulève de nombreuses questions. Il est en effet permis de se demander si le particulier qui loue une chambre meublée ne pourrait pas louer cette chambre (ou plusieurs) pour un montant total de 25.000 EUR par an sans être inquiété, puisque la partie qui tombe sous l’application de la nouvelle loi ne représente en réalité que 5.000 EUR (20%) ? On peut facilement imaginer la position qu’adoptera le fisc, même si la loi n’y répond pas !
2. Les cotisations de sécurité sociale
Le régime précise que la sécurité sociale n’est pas d’application si le seuil n’est pas dépassé. Cette précision suit logiquement la lecture de la législation applicable en la matière qui prévoit que seul les revenus professionnels sont soumis au paiement de cotisations sociales.
3. La TVA
La TVA est de loin le régime le plus complexe. Il prévoit sous certaines conditions que les particuliers qui réalisent des prestations dans le cadre de l’économie collaborative ne doivent pas s’assujettir à la TVA. En effet, dans le régime ordinaire, toute personne qui se livre à une activité économique doit s’assujettir à la TVA et peut éventuellement ensuite demander une dispense si son activité ne génère pas un chiffre d’affaires de plus de 25.000 EUR/an. La loi vient donc gommer ces obligations dans une majorité de cas.
Sans entrer dans le détail de ce régime, il faut quand même souligner que les différents commentateurs s’interrogent aujourd’hui sur la rédaction de ce texte qui risque de poser de nombreuses questions près son adoption.
4. Conclusion
Cette nouvelle loi a pour objectif de simplifier les choses et d’offrir une solution pratique, simple et prête à l’emploi pour le contribuable qui souhaite s’adonner à cette nouvelle forme d’économie.
Si l’intention mérite des louanges, la question de savoir si les objectifs sont atteints est beaucoup plus nuancée. La loi pose également de nombreuses questions liées à la concurrence fiscale entre les acteurs de l’économie du partage et ceux de l’économie classique.
Le critère lié à la qualité du preneur de services qui doit être, rappelons-le, un particulier qui n’agit pas dans le cadre de son activité en est une autre. Que se passera-t-il lorsqu’un professionnel tentera de prendre en charge une dépense liée à l’économie collaborative, celle-ci sera-t-elle refusée, la tentative de déduction que le prestataire ignore entraînera-t-elle le refus d’application du régime ?
Enfin, rien n’indique que les sociétés qui agissent dans ce secteur désireront accomplir ces nouvelles formalités, qui passent notamment par l’obligation de prélever l’impôt à la source, et qu’elles demanderont à obtenir l’agrégation nécessaire.
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