
Les premiers relevés effectués par les banques le 30 mars marquent l’introduction de la nouvelle loi sur la taxe sur les comptes-titres, appelée aussi taxe d’abonnement qui a été votée par la Chambre le 1er février 2018 et est applicable rétroactivement à dater du 1er janvier 2018. Comment cette taxe fonctionne-t-elle, qui est susceptible d’être imposé et quelles sont les solutions pour l’éviter ? Nous proposons une brève analyse dans les lignes qui suivent
A qui s’adresse cette taxe ?
Le législateur a décidé de taxer à partir du 1er janvier 2018 les investisseurs personnes physiques titulaires de comptes-titres logés en Belgique ou à l’étranger dont la valeur cumulée atteint ou dépasse 500.000 EUR.
Les titulaires qui disposent de comptes-titres dont la valeur n’atteint pas ce seuil sont automatiquement exclus du champ d’application de la taxe, mais si le seuil est atteint, l’intégralité du capital est soumise au prélèvement.
Le champ d’application est relativement large puisqu’il englobe tant les habitants du royaume que les non-résidents et aussi bien les propriétaires que les nus-propriétaires et les usufruitiers de ces comptes-titres.
Valeurs visées
L’assiette de la taxe est relativement large puisque les titres visés sont nombreux : il s’agit des actions cotées en bourse ou non ; des certificats relatifs aux actions cotées en bourse ou non ; des obligations cotées en bourse ou non ; des certificats relatifs aux obligations cotées en bourse ou non ; des parts dans des fonds communs de placement ou actions dans des sociétés d’investissement cotées en bourse ou non et des bons de caisse et des warrants.
La taxe ne vise pas les assurances-vie de la branche 21 ou de la branche 23, ni les plus exotiques swaps et futures.
Méthode de calcul
La méthode appliquée pour déterminer si un contribuable est ou n’est pas tenu de payer la taxe d’une année consiste à calculer une moyenne sur une période de référence qui s’étale du 1er octobre au 30 septembre de l’année suivante. Exceptionnellement pour 2018, cette moyenne sera calculée sur une période ramenée à 9 mois.
Les banques devront relever la valeur des titres à 4 dates bien précises, en l’occurrence les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre. La moyenne de ces quatre valeurs permet d’établir si la taxe doit être payée ou non.
Le taux de la taxe est fixé à 0,15%.
Exemple 1 | Exemple 2 | |
31 mars | 498.000 EUR | 498.000 EUR |
30 juin | 500.000 EUR | 504.000 EUR |
30 septembre | 504.000 EUR | 498.000 EUR |
31 décembre | 499.000 EUR | 499.000 EUR |
Moyenne | 500.250 EUR | 499.750 EUR |
Taxe : | 750,37 EUR | 0 EUR |
L’exemple repris ci-dessus permet de constater que cette taxe peut créer des situations étranges puisque deux valeurs de départ identiques donnent deux valeurs d’arrivée inégales dont la première génère l’obligation d’acquitter la taxe tandis que la seconde permet d’échapper à cette obligation.
Modalités pratiques
Le principe de la loi vise la simplicité et impose aux banques de réaliser les relevés périodiques et de prélever automatiquement la taxe lorsque le seuil est atteint. Les comptes-titres qui ne dépassent pas 500.000 EUR ne seront pas automatiquement contrôlés par les banques, mais celles-ci devront proposer à leurs clients d’opter (l’opt-in) pour le prélèvement automatique de la taxe, puisqu’il appartient aux redevables de vérifier que l’ensemble de leurs avoirs atteint ou non le seuil de 500.000 EUR.
Le redevable disposant de comptes à l’étranger devra les inclure dans la base de calcul et régler la taxe même si la banque étrangère n’a pas de représentant agréé en Belgique et ne procède pas d’initiative à ce prélèvement.
Le prélèvement sera réalisé automatiquement à la fin de l’année par les banques. Les contribuables qui disposent de comptes à l’étranger ou de comptes-titres en Belgique et/ou à l’étranger qui atteignent le seuil de 500.000 EUR devront s’acquitter de la taxe par l’introduction d’un formulaire spécifique dont les modalités doivent encore être arrêtées par le gouvernement.
Copropriété, usufruit et nue-propriété
La loi repose sur le principe d’une répartition égalitaire entre les copropriétaires d’un compte-titre. Imaginons l’exemple d’un couple qui est propriétaire d’un compte-titres dont la valeur moyenne est de 1.000.000 EUR en 2018.
La banque dans cet exemple devra diviser la valeur du compte-titres en deux parts égales et prélever l’impôt correspondant. Elle attribuera 500.000 EUR à Monsieur et lui imputera 750 EUR d’impôts et attribuera 500.000 EUR à Madame et lui imputera 750 EUR.
La situation change si cette répartition n’est pas égalitaire : imaginons que 30% de la valeur de base de 1.000.000 EUR, appartiennent à Monsieur et 70% à Madame, Monsieur pourra alors demander au fisc le remboursement de la taxe que la banque aura prélevée et Madame devra demander l’adaptation de la taxe qu’elle a payé, puisqu’elle aurait dû payer 1.050 EUR en lieu et place des 750 EUR prélevés par la banque.
Les démembrements de la propriété sont soumis à la même règle de répartition égalitaire. Un compte-titres dont la valeur est fixée à 1.000.000 EUR sera donc taxé de la même manière s’il est détenu selon la même répartition que supra s’il est détenu par un père et son fils en usufruit/nue-propriété.
La répartition pourra cependant nécessiter une adaptation si on prend en compte les tables de mortalité qui montrent, par exemple, que l’usufruit du père ne vaut plus que 23% de la valeur de base quand il atteint l’âge de 60 ans, ce qui devra donc justifier une adaptation de la répartition opérée automatiquement par la banque et faire l’objet d’une nouvelle adaptation chaque année puisque la valeur de l’usufruit diminue d’année en année.
Il est donc à espérer que le fisc mettra en place rapidement une méthode de déclaration efficace.
Mesures de contrôle
Parallèlement à l’instauration de la taxe, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures de contrôle.
Désormais, la loi impose aux banques de déclarer au point de contact l’identité et le numéro des comptes de leurs clients. Elles devront également déclarer le nombre de comptes ouverts pour leurs clients et, parmi ceux-ci, les comptes qui ont fait l’objet du prélèvement pour le paiement de la taxe.
Les contribuables devront déclarer dans leur déclaration fiscale annuelle le nombre de comptes-titres dont ils sont titulaires ou cotitulaires, de même que le nombre de comptes-titres qui ont fait l’objet de la retenue.
De cette manière l’administration fiscale disposera d’un cadastre des comptes-titres et pourra vérifier si les contribuables n’ont pas tenté de répartir leurs avoirs sur plusieurs comptes-titres pour échapper au paiement de la taxe.
Dispositions anti abus
La loi a mis en place plusieurs dispositions anti abus pour empêcher les contribuables les plus ingénieux de contourner la loi.
La première de ces dispositions anti-abus vise à empêcher la conversion des titres en titres nominatifs qui ne sont pas visés par la loi et ne sont donc pas soumis à la taxe. La loi prévoit donc que les conversions effectuées après le 9 décembre 2017 n’auront pas d’effet pour l’application de la taxe en 2018.
La loi prévoit aussi que les apports de titres effectués au sein d’une personne morale à partir du 1er janvier 2018 n’auront pas d’effet pour l’application de la taxe s’ils sont faits dans le seul but d’échapper à l’impôt puisque les personnes morales ne sont pas soumises à la taxe.
Comment éviter la taxe
Plusieurs solutions s’offrent à celles et à ceux qui souhaitent échapper à la taxe sur les comptes-titres.
La première solution est de recourir à une assurance-vie des branches 21 et 23. Ce type de produits financiers présente plusieurs avantages, notamment celui d’échapper au précompte mobilier puisque ces placements ne génèrent que des plus-values et ne sont pas imposables en Belgique. Ce choix présente certes plusieurs inconvénients, notamment le paiement d’une taxe de 2% à l’entrée, des frais de gestion annuels et un délai d’attente de plusieurs années pour récupérer les fonds, mais ce type d’investissement reste très intéressant en Belgique pour celles et ceux qui peuvent se permettre d’immobiliser leur capital.
Une seconde solution est de multiplier le nombre de titulaires d’un compte-titres. La répartition du capital entre plusieurs personnes par une transmission pure et simple ou par un démembrement permet de diviser l’assiette du calcul de la taxe et d’y échapper si le seuil de 500.000 EUR n’est pas atteint. Le démembrement permet également de commencer à s’intéresser à la dimension de planification successorale à laquelle chacun d’entre nous doit songer pour réduire les droits de succession.
Notez que les banques divisent automatiquement la valeur du compte-titres par le nombre de ses cotitulaires, la donation d’un seul pourcent devrait donc suffire pour éviter facilement cette taxe.
Une troisième solution est de convertir les titres classiques en actions nominatives ou d’investir dans des titres nominatifs. Nous vous rappelons que ces opérations de conversion devront respecter un délai d’attente d’un an pour produire leurs effets fiscaux, mais que cette opération demeure parfaitement réalisable.
Une dernière solution est de constituer une société patrimoniale destinée à recueillir les titres. Cette solution, bien que visée par la disposition anti-abus, permet de contourner facilement cette disposition puisqu’elle est facilement justifiable par des motifs non fiscaux d’organisation patrimoniale et successorale.
Illégalité
L’illégalité de la taxe fait débat à l’heure actuelle et un recours contre cette loi a d’ailleurs déjà été introduit auprès de la Cour constitutionnelle. Au nombre des arguments sur lesquels ce recours repose figurent en bonne place les discriminations manifestes et totalement arbitraires que la loi opère entre les contribuables tenus au paiement de la taxe et ceux qui y échappent, entre les sociétés (non soumises à la taxe) et les personnes physiques ainsi qu’entre divers instruments financiers. Il s’y ajoute encore qu’elle exclut le patrimoine immobilier du champ d’application de la taxe.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informés du résultat de ce recours.
Conclusion
Conséquence de la suppression de la taxe sur la spéculation l’an dernier, la nouvelle taxe instaure un véritable impôt sur le patrimoine indépendant de la rentabilité de celui-ci, ce qui est absolument inédit en Belgique et nous semble un petit peu dépassé dans un climat où notre voisin hexagonal a enfin décidé de supprimer partiellement l’impôt sur la fortune, un impôt malencontreux qui a fait fuir les plus grands patrimoines à l’étranger.
Les modalités d’application de la taxe qui nous semblaient relativement simples à première vue obligent en fait à effectuer des calculs complexes et à accomplir des formalités fastidieuses dont nous espérons que l’administration fiscale transcrira l’application pratique en règles simples pour les contribuables.
Nous rappelons que les tentatives avortées de taxation du patrimoine ces dernières années ont été nombreuses : le relèvement du précompte mobilier de 21 à 25% en 2012 sur revenus mobiliers dépassant 20.020 EUR/an a été immédiatement supprimé l’année suivante ; la taxe sur la spéculation est passée à la trappe quelques mois après son introduction en 2017, etc.
La taxe sur les comptes-titres continuera sans aucun doute à faire couler beaucoup d’encre. Sera-t-elle aussi rapidement supprimée ? L’avenir nous l’apprendra…
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