
Si vous êtes des cinéphiles assidus, vous aurez probablement constaté une augmentation considérable de paysages belges ainsi que de noms de sociétés belges à l’écran et au générique de vos films préférés. Pour cause, le législateur belge entend promouvoir le développement de l’industrie audiovisuelle en Belgique depuis une dizaine d’années par la mise en place d’un régime original de subsidiation de ce secteur, le tax shelter. Loin de l’idée de développer une chronique cinématographique dans cette rubrique de gestion, sachez que les PME belges peuvent participer au développement de cette industrie tout en se réservant une belle économie d’impôt au passage. Quelques mots d’explication s’imposent.
Le régime fiscal du Tax Shelter remonte à 2002, mais a été profondément modifié en 2014 et, plus récemment, en 2016 pour l’étendre aux œuvres scéniques (théâtre, ballet, opéra, etc.).
L’Etat belge a mis en place un système assez original qui permet aux entreprises de subsidier les entreprises cinématographiques ou scéniques à sa place, tout en leur procurant une réduction d’impôts. Ce régime ne doit pas être confondu avec celui du tax shelter pour les entreprises débutantes qui s’adresse exclusivement aux personnes physiques qui investissent dans de jeunes entreprises.
Avant 2014, l’entreprise qui investissait pouvait acquérir des droits dans l’œuvre audiovisuelle et certains avantages par le biais de diverses combinaisons et montages. Le nouveau régime supprime ce lien entre l’investisseur et l’entreprise cinématographique pour le remplacer uniquement par une réduction d’impôt.
Le tax Shelter nécessite la signature d’une « convention cadre » pendant l’année au cours de laquelle la société qui finance l’opération souhaite bénéficier de l’avantage fiscal. Le versement de la somme doit intervenir dans les 3 mois de la signature du document. Le régime est accordé à condition que la maison de production utilise les sommes qui lui sont versées pour financer des dépenses de production et d’exploitation en Belgique. Le SPF finances a publié sur son site internet, la liste des maisons de production et des intermédiaires agréés.
Les règles qui permettent de calculer l’avantage fiscal sont relativement simples, ou en tout cas elles l’étaient jusqu’à la réforme de l’impôt des sociétés intervenue l’année dernière.
Jusqu’à l’exercice 2018 (revenus 2017), la déduction fiscale était égale à 310 % du montant investi. Taxés à hauteur de 33.99%, 100 EUR investis procuraient un avantage de 105.37 EUR (310 x 33.99% x 100 EUR) desquels il fallait soustraire les 100 EUR versés. Le Tax shelter permettait donc d’économiser 5.37% d’impôts.
Depuis la réforme de l’impôt des sociétés qui a réduit considérablement le taux de l’impôt pour le ramener à 29.58% cette année et à 25% à partir de l’exercice 2021 (revenus 2020), les PME bénéficieront également d’un taux d’impôt préférentiel réduit à 20,30 % en 2019 et 20% en 2020 sur la première tranche de 100.000 EUR de leurs bénéfices annuels, ce qui implique qu’il faut désormais prendre en compte les deux taux de l’impôt des sociétés et opérer un double calcul pour déterminer si le Tax Shelter est toujours intéressant.
Parallèlement à cette diminution du taux d’imposition, l’avantage fiscal du Tax Shelter a été revalorisé, puisqu’il est porté à 356% en 2019 et à 421% en 2020.
Le rendement de cet avantage fiscal est donc modifié de la manière suivante :
Année de revenus (exercice) | Avantage fiscal | Taux de l’impôt | Rendement |
2018 (2019) | 310% | 33.99% | 5,37% |
2019 (2020) | 356% | 29.58% | 5,30% |
2020 (2021) | 421% | 25% | 5.25% |
L’avantage fiscal est donc maintenu pour les entreprises imposées au taux ordinaire et qui ne bénéficient pas d’un régime spécial, mais nous avons vu que les PME qui respectent certaines conditions peuvent désormais bénéficier d’un « super » taux d’imposition de 20% sur la première tranche de revenus de 100.000 EUR, le Tax Shelter procure donc un avantage fiscal insuffisant pour ces PME qui ne dépassent pas ce seuil de bénéfices. En 2020, 100 EUR investis dans la première tranche d’imposition de 100.000 EUR de bénéfices ne permettront d’économiser que 84.20 EUR, trop peu donc pour que le régime soit intéressant.
Au-delà de 100.000 EUR de bénéfices, l’avantage fiscal progresse jusqu’à atteindre 5.30% à partir de 160.000 EUR de bénéfices.
Concrètement, dans le nouveau régime, une PME qui réalise 200.000 EUR de bénéfices devrait payer normalement 45.000 EUR d’impôts. La société qui décide en 2020 d’affecter 40.000 EUR de son bénéfice au tax shelter réalisera une économie d’impôt de 42.100 EUR. Le versement du subside est donc compensé par l’avantage fiscal, la société ne sera donc redevable que d’un impôt de 2.900 EUR sur son bénéfice net de 160.000 EUR.
Le rendement fiscal peut donc paraître relativement faible, mais la loi impose également au producteur qui a bénéficié du subside de verser une prime égale à 4.5% majorée du taux EURIBOR (fixé à -0,308% actuellement, soit, 4.192 %) sur maximum 18 mois.
Dans notre exemple, les 40.000 EUR versés doivent rapporter à l’entreprise 2.515,20 EUR bruts ou 1.886,40 EUR nets après impôts. L’avantage couplé de la prime et de l’avantage fiscal est donc dans notre exemple de 3.986,40 EUR ou de 9.96% des sommes investies, soit un rendement plutôt acceptable.
Il existe de nombreuses possibilités pour réduire la base imposable de votre entreprise : la souscription d’une assurance pension au profit du dirigeant, l’acquisition d’un immeuble, le backservice, etc. Le Tax Shelter offre également un avantage fiscal relativement généreux, mais qui ne bénéficiera qu’aux PME qui réalisent des bénéfices importants.
Il nous semble que ce régime s’adresse principalement aux plus grandes entreprises, mais peut trouver son intérêt lors d’une très bonne année ou chez des PME qui bénéficient de revenus importants et qui souhaitent obtenir facilement et rapidement une réduction d’impôt. Il peut également, dans une optique plus philanthropique, pousser des dirigeants d’entreprises à subsidier directement le secteur cinématographique ou scénique plutôt que de payer des impôts.
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