Les trois Régions ont introduit progressivement, depuis plusieurs années, des mesures de soutien qui reviennent aujourd’hui au premier plan de l’actualité en raison de la crise actuelle. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder dans un précédent numéro, l’existence d’un régime dit de « tax shelter pour entreprises débutantes ou en croissance », qui permet de capitaliser une société en bénéficiant d’un bel avantage fiscal et de prêter de l’argent à une PME en se procurant des avantages similaires. La région de Bruxelles-Capitale a reconnu l’actualité de ces mesures en adoptant cet été de nouvelles mesures similaires à celles que connaissaient déjà ses deux voisines. Quelques mots d’explication.
Explications
Sous la terminologie de prêt « winwin » (en Flandre), « proxi » (à Bruxelles) ou « coup de pouce » (en Wallonie), se cache un instrument méconnu de financement des PME qui procure un avantage fiscal aux particuliers désireux de les financer.
Soucieuse de simplifier la législation en vigueur, la Belgique étant ce qu’elle est, les Région ont naturellement prévu des conditions et des avantages qui varient de l’une à l’autre. Il nous a donc semblé particulièrement injuste de vous priver de ces succulentes divergences techniques et de vous faire l’économie d’une analyse Région après Région. C’est la raison pour laquelle nous commencerons – à tout seigneur, tout honneur – par celle qui héberge de notre prestigieuse capitale.
Proxi à Bruxelles
La Région de Bruxelles-Capitale a adopté le Régime du prêt « proxi » cet été pour inciter les Bruxellois à prêter des fonds à leurs PME largement affectées par la crise sanitaire que nous traversons actuellement.
Ce régime bénéficie aux PME quelle que soit leur forme juridique (indépendants ou sociétés). L’emprunteur doit disposer d’une unité d’établissement à Bruxelles et doit être inscrit à la BCE. La règlementation Bruxelloise n’exclut aucune activité et peut donc bénéficier tant aux professions industrielles et commerciales qu’aux professions libérales.
Le prêteur doit quant à lui être une personne physique qui agit en dehors de son activité professionnelle, il ne peut donc être lié par un contrat de travail avec l’entreprise et ne peut être le conjoint de l’emprunteur. Le prêteur doit quant à lui résider sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale pendant toute la durée du prêt pour bénéficier de l’avantage.
La durée du prêt est fixée à 5 ou 8 ans et celui-ci peut être remboursé selon diverses modalités : en une fois à la fin du prêt, en plusieurs moi ou trimestres, ou même de manière anticipée. Les intérêts du crédit ne peuvent excéder le taux légal qui s’élève en 2020 à 1,75%.
Le prêt peut être conclu via un véhicule de financement, comme une plateforme de crowdfunding par exemple.
Le prêteur ne peut prêter plus de 50.000 EUR par entreprise et par an (ce montant a été porté, vu la crise, à 75.000 EUR pour 2020 et 2021) et ne peut pas dépasser un montant total de crédits de 200.000 EUR. L’emprunteur ne peut quant à lui bénéficier de ce régime que s’il emprunte maximum 250.000 EUR (ce montant a été porté à 300.000 EUR pour 2020 et 2021).
Si l’ensemble des critères sont réunis, le prêteur dispose d’un crédit d’impôt de 4% pendant les 3 premières années et de 2,5% ensuite. Notez que la réglementation bruxelloise a tenu compte du caractère risqué de la mesure et permet de bénéficier d’un crédit d’impôt unique de 30% du montant perdu, si l’entreprise emprunteuse tombe en faillite.
Coup de pouce en Wallonie
En Région wallonne, les règles du prêt coup de pouce sont en voie d’être modifiées, puisque l’emprunteur ne pourra pas solliciter plus de 250.000 EUR et que le prêteur ne peut prêter plus de 100.000 EUR.
L’avantage fiscal procuré au prêteur est de 4% les 4 premières années et de 2,5% ensuite. Notez que ce crédit est subordonné, ce qui implique qu’il est placé en dernier rang de préférence en cas de faillite de l’entreprise, ce qui le rend naturellement très risqué. Enfin, et à l’instar du régime applicable dans la capitale, un crédit d’impôt de 30% est accordé en cas de défaut de l’entreprise, ce qui permet d’atténuer le risque, puisqu’en cas de défaut, le prêteur pourra réaliser une économie d’impôt substantielle, un joli coup de pouce pour les entreprises !
Winwin en Flandre
La Région flamande a également approuvé en août 2020, une modification de la règlementation applicable à son prêt winwin qui existait déjà depuis de nombreuses années. Le prêt procurera désormais un crédit d’impôt de 2,5% pendant une période s’étalant de 5 à 10 ans, selon la durée du crédit qui aura été convenue avec l’emprunteur.
Le montant total que les particuliers peuvent prêter aux entreprises est de 75.000 EUR et le montant global que les entreprises peuvent emprunter est de 300.000 EUR. A l’instar des autres régions et dans un souci d’atténuer le risque de ces crédits, un crédit d’impôt de 30% est accordé en cas de défaut de paiement de l’entreprise (ce pourcentage est porté à 40% pour les contrats conclus entre le 15 juin 2020 et, au plus tard, le 31 décembre 2021).
La Région flamande est plus souple avec les crédits réalisés entre conjoints, puisqu’il est désormais possible de prêter de l’argent à l’entreprise de son conjoint moyennant le respect de certaines conditions strictes.
Conclusion: un joli coup de pouce
Ces formules d’aides aux entreprises ne sont pas sans risque et ne s’envisagent pas sans une analyse fouillée de la santé financière de la société emprunteuse. Les personnes qui désirent néanmoins se lancer dans l’aventure tiendront à l’esprit qu’elles bénéficient certes d’un avantage fiscal, mais aussi qu’elles sont tenues d’acquitter le précompte mobilier sur les intérêts de l’emprunt qui devront être mentionnés dans leur déclaration fiscale annuelle. Il est toutefois indéniable que l’avantage fiscal qui est procuré aux particuliers par ces trois régimes permet de réaliser quelques belles économies d’impôt et permet de donner un bon coup de pouce à des entreprises qui en ont largement besoin.
Jérôme HAVET, avocat spécialiste en droit fiscal : j.havet@avocat.be