Le Ministre des Finances Vincent Van Peteghem a annoncé ce mercredi 21 janvier, que l’administration fiscale acceptera désormais d’appliquer la jurisprudence de la Cour de Cassation favorable à l’application de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) aux particuliers en Belgique. Cette règle de la Convention préventive de la double imposition qui lie la Belgique et la France permet de bénéficier d’un taux préférentiel sur les dividendes de source française. Explications.
Mécanisme
La Belgique taxe les dividendes d’actions à un taux de 30%. Sauf cas particuliers, une action qui produit un revenu de 100 EUR sera donc amputée de 30 EUR et procurera 70 EUR de revenus à son propriétaire.
La France quant à elle, taxe les dividendes de ses non-résidents à la source. La Convention qui lie la Belgique et la France prévoit qu’elle peut appliquer un taux à la source de 15% maximum, ce qu’elle ne se prive pas de faire.
En réalité, la France peut prélever davantage à la source, à charge pour le contribuable de demander le remboursement de la différence.
Les dividendes d’actions étrangères détenues par des personnes physiques résidentes en Belgique subissent donc une double taxation.
Le revenu de notre exemple est donc taxé une première fois en France et une seconde fois en Belgique taux de 30%, 100 EUR de revenus sont donc réduits à 85 EUR en France et ensuite à 59,5 EUR en Belgique (15 EUR en France et 30% de 85 EUR, soit 25,5 EUR, en Belgique).
La Belgique et la France ont toutefois prévu un mécanisme correcteur pour éviter cette double imposition sous la dénomination de « quotité forfaitaire d’impôt étranger » ou « QFIE », qui prévoit que la Belgique doit octroyer un crédit d’impôt équivalent aux 15% prélevés en France après avoir appliqué le précompte mobilier à 30%.
La QFIE procure donc un avantage important. Taxés à 15% en France, 100 EUR de dividendes sont réduits à 85 EUR qui sont taxés ensuite à 30% en Belgique, soit un revenu net de 59,50 EUR (40,5%).
La QFIE permet d’obtenir un crédit d’impôt 15% des 85 EUR du revenu net « frontière », soit 12,75 EUR. La taxation du revenu de notre action française est donc de 100 EUR – 15 EUR (impôt français) – 25,50 EUR (impôt belge) + 12,75 (QFIE) = 72,25 EUR. Le taux de l’impôt de ce revenu est donc de 27,75 %.
La Convention préventive de la double imposition permet donc de bénéficier d’un taux plus favorable que celui applicable en Belgique, pour des actions belges dont les dividendes sont taxés, nous le rappelons, à 30%.
Controverse
La Belgique considérait que le bénéfice de cette disposition de la Convention préventive de la double imposition était réservé aux professionnels et que les particuliers ne disposaient pas du droit de s’en prévaloir, ce que la Cour de cassation a finalement décidé d’invalider dans un arrêt du 16 juin 2017 et ensuite dans d’autres arrêts dont le plus récent est celui du 15 octobre 2020.
Dans cette dernière décision, la Cour décide que « en vertu du principe général de droit relatif à la primauté du droit international sur le droit national, la Convention entre la Belgique et la France tenant à éviter les doubles impositions prime les dispositions du droit interne. Il s’ensuit que, dans la mesure où cette Convention oblige la Belgique à accorder l’imputation d’une quotité forfaitaire minimale d’impôt étranger, il ne saurait être donné effet à des règles de droit interne belge qui subordonnent cette réduction à des conditions supplémentaires ».
En d’autres termes, l’argument tiré du droit belge selon lequel la Convention ne permet pas d’appliquer le mécanisme de la QFIE à des particuliers n’est pas applicable puisqu’elle jouit d’une autorité supérieure à la loi nationale et ne prévoit pas de différenciation selon la qualité de professionnel ou particulier du contribuable à qui elle s’applique.
Et après ?
Le mécanisme de la QFIE permet d’obtenir un remboursement d’impôt de 15% pour les dividendes d’actions de source française, ce qui est une excellente nouvelle et nombreux sont ceux qui pourront se prévaloir de ces dispositions, mais encore faut-il qu’ils demandent l’application de cette disposition qui n’est pas automatique, la Convention préventive prévoyant en effet que le contribuable « peut demander le remboursement ».
Cette disposition ne pose aucun problème pour les exercices ultérieurs, puisqu’il suffit d’introduire auprès du fisc, une réclamation fiscale dans les 6 mois de la réception l’avertissement-extrait de rôle. Il ne faut cependant pas perdre de vue que les avertissements-extraits de rôle pour l’année de revenus 2019 sont en cours d’envoi et qu’il est impératif de réclamer dans ce délai de 6 mois.
Pour les exercices antérieurs, il est également possible d’introduire une demande de dégrèvement d’office, voire une demande de restitution, qui permet de de remonter 5 ans en arrière. Cette procédure est moins facile à mettre en place parce qu’elle implique de démontrer la survenance d’un élément nouveau ce qu’un arrêt de jurisprudence ne constitue pas dans tous les cas, contrairement à la violation d’une disposition de droit international.
Les praticiens sont donc dans l’attente de savoir s’ils pourront obtenir aisément le dégrèvement de la quotité forfaitaire d’impôt étranger à l’ensemble des dividendes de source française ou si cette problématique donnera encore l’occasion de procédure judiciaire. En tout état de cause, celles et ceux qui bénéficient de revenus d’actions françaises ne doivent pas tarder à en réclamer le remboursement, sous peine de perdre le bénéfice de cet avantage fiscal.
Jérôme HAVET, avocat spécialiste en droit fiscal, j.havet@avocat.be
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