
La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 septembre 2018, confirme une fois de plus que les frais d’acquisition et d’entretien d’une résidence secondaire par une société ne sont pas déductibles à l’impôt des sociétés. Nous analyserons les conséquences de cet arrêt dans les lignes qui suivent tenterons de procurer quelques pistes de solution aux personnes qui contrôlent des sociétés propriétaires de biens immobiliers pour leur éviter des embûches fiscales.
Cette pratique est parfaitement autorisée, mais le fisc prétend depuis de nombreuses années que les dépenses de la société doivent nécessairement avoir un lien étroit avec son objet social. Cette théorie de « l’objet social » invoquée par le fisc pour récuser l’admissibilité fiscale des opérations qui n’ont pas un lien direct et étroit avec l’objet social de la société, est largement critiquée par l’ensemble des auteurs et de nombreuses décisions de jurisprudence.
Il est d’ailleurs très courant et tout à fait légal que les sociétés qui se livrent à des activités civiles ou commerciales telles que l’exercice de la médecine, par exemple, sont également autorisées par leurs statuts à effectuer des opérations immobilières, même si celles-ci n’ont aucun lien avec leur objet social principal.
Dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation, la Cour d’appel d’Anvers avait d’abord refusé la déduction des frais d’acquisition d’une habitation à la côte en arguant que la société n’avait pas démontré que cette acquisition avait pour but « d’acquérir ou de conserver des revenus imposables », ce qui est une des conditions de déduction des frais professionnels fixées par l’article 49 du code des impôts sur les revenus qui fixe. La Cour a constaté en l’espèce que la société n’avait pas apporté la preuve qu’elle souhaitait rentabiliser le bien laissé à la disposition des gérants moyennant le paiement d’une indemnité modique.
La Cour de cassation a ensuite confirmé l’analyse de la Cour d’appel d’Anvers et le rejet de la déduction des frais d’acquisition et d’entretien de cette habitation à la mer.
Dans une autre affaire récente tranchée par la Cour d’appel de Gand, une société de médecins avait acquis un appartement au Coq pour le motif que l’un de ses associés devait assurer des services de garde dans un hôpital situé à Ostende et que son domicile situé à Deinze ne lui permettait pas d’atteindre l’hôpital dans le délai requis de 15 minutes en cas d’appel. La Cour d’appel de Gand avait admis la déduction des frais professionnels relatifs à l’acquisition de cette résidence, mais en avait toutefois rejeté 30%, considérant que cet appartement dépassait les besoins du médecin pour ses services de garde (l’appartement comportait 2 chambres).
Ces décisions de justice posent donc la question de savoir s’il est toujours possible de faire acquérir un bien immobilier avec par société. La réponse est indiscutablement affirmative lorsque ce bien immobilier est un bien professionnel, c’est-à-dire un bien qui est affecté à l’exercice de l’activité principale de la société.
Une société peut également acquérir d’autres biens immobiliers, même si son activité principale n’a aucun lien avec ce secteur d’activité, à condition que ses statuts l’autorisent à se livrer à des opérations immobilières, même étrangères à son « core business ».
Comme nous l’avons expliqué au début de cet article, ces acquisitions génèrent des charges importantes au sein de la société, qui sont déductibles et qui permettent donc de réduire sa base imposable. Il est également possible, dans une optique d’optimisation fiscale un peu plus audacieuse, mais qui est permis lorsqu’elle est minutieusement préparée, de mettre en place une acquisition scindée entre le gérant et la société, qui permettra au gérant de récupérer l’intégralité de l’immeuble à la fin de l’usufruit ou de l’emphytéose.
Le dirigeant d’entreprise qui se livre à une telle opération ne doit toutefois pas perdre de vue les conditions de déductibilité des dépenses professionnelles imposées par l’article 49 du code des impôts sur les revenus. Il doit ainsi se rappeler, comme la Cour d’appel d’Anvers n’a pas manqué de le faire, que la dépense doit être réalisée dans le but d’acquérir ou de conserver des revenus imposables.
Il est donc exclu qu’un dirigeant acquière une résidence secondaire pour ses seuls besoins privés, même s’il paye un avantage de toute nature pour l’occupation de ce bien. En effet, la théorie selon laquelle la mise à disposition d’une résidence secondaire par une société à son dirigeant constitue une forme alternative de rémunération (sur laquelle un avantage de toute nature est dû) n’est plus défendable devant le fisc et les tribunaux.
Il nous semble raisonnable qu’un bien acquis par une société, quelle que soit sa nature doit être exploité pendant une partie substantielle de l’année dans un objectif de rentabilité, sauf à démontrer, comme dans le cas soumis à la Cour d’appel de Gand, qu’il existe une justification économique ou sociale raisonnable pour que ce bien ne soit pas occupé.
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